Voici le thème pour la prochaine rencontre à L’Atelier du Verbe qui aura lieu
le vendredi 23 Mai de 19h à 22h
pendant laquelle, après notre séance bien féconde du 28 mars,
nous continuerons de travailler sur ce texte à partir de "La quatrième étape"
sur le thème:
Qu'avons-nous de plus qu'une machine d'intelligence artificielle?
Et comment apprendre à pratiquer : une Intelligence Collective?
voir le texte ci-dessous
que je lirais progressivement
en l'ouvrant à nos commentaires partagés en commun:
Comment apprendre à pratiquer l’Intelligence Collective ?
La première étape
Consiste à prendre conscience, à travers ce qui s’exprime dans un échange,
de ce qui relève, venant des autres comme de soi-même :
de l’expression d’une pensée,
ou bien d’un sentiment qui est éprouvé,
ou bien d’une intention qui est déclarée.
Concernant ce que nous exprimons nous-mêmes, il s’agit de se demander :
est-ce que je leur fais part de quelque chose « que je pense »,
ou bien « que je ressens », ou bien « que je voudrais faire. »
Et de se rendre compte que dans le premier cas : c’est la tête qui parle,
dans le deuxième cas : c’est le cœur qui parle
et dans le troisième cas il s’agit d’identifier la force qui vient du ventre
pour exprimer une intention.
La deuxième étape
Consiste à percevoir au sein de ces trois sources de la parole :
1/en quoi ce qui s’exprime en tant que Penser :
émane de ce qui se forme dans l’esprit de celui qui parle
pendant qu’il choisit les mots pour le dire aux autres,
ou bien en quoi les phrases sont débitées d’un seul bloc,
comme « recopiées telles quelles d’un journal où elles ont été lues »
sans être passées par une évaluation personnelle.
2/en quoi ce qui exprime un Ressentir :
fait part d’une expérience vécue de la qualité d’un phénomène
permettant de reconnaître sa valeur pour tout un chacun,
ou bien en quoi l’émotion de celui qui s’exprime
reste enfermée dans ses préférences personnelles.
3/en quoi ce qui exprime un Vouloir :
décrit un cheminement, une recherche qui se relie au relationnel des rencontres,
ou bien contient une énergie qui connait d’emblée sa finalité personnelle.
La troisième étape
Ce travail d’écoute de soi-même et des autres pendant l’échange
permet de se préoccuper avant tout de la qualité de la parole avec ses pauses de silence,
en cultivant la confiance dans la succession des interventions
pour qu’elle se fasse en fonction de ce que l’on a entendu venant des autres,
et qui, lorsque nous décidons d’intervenir,
a éveillé en nous une intuition de ce qui pourrait s’ajouter,
pour faire progresser ce que nous essayons de comprendre ensemble,
en fonction des expériences de chacun et de l’objectif de notre échange.
La quatrième étape
Est celle de notre bilan individuel, ayant identifié pendant ce parcours :
le fait de ne pas se laisser mener, sans les avoir identifiés en tant que tels,
par une pensée abstraite, un sentiment aveugle, un élan instinctif partial,
qui ne s’ouvrirait pas à ce qui vient de l’autre.
Exercice
Nous pouvons maintenant proposer pour chacun
des phrases à dire, avec gestes à l’appui en se déplaçant au milieu du cercle,
qui seront ensuite commentées par tous
sur ce qu’elles ont exprimé en tant penser, sentir ou vouloir,
soit d’une manière ouverte à la compréhension par les autres,
soit d’une manière abstraite ou ego-centrée.
Ce sera la polarité entre ces deux sortes de phrases
que nous décrirons ensemble qui sera particulièrement éclairante.
C’est ce modelage de l’entente collaborative dans une intelligence collective
qui pourra progressivement permettre le partage des analyses des situations
et le surgissement des imaginations, des intuitions
sur la manière de s’organiser ensemble.
L’objectif est de repenser entièrement
les institutions de notre vie citoyenne
concernant leurs finalités
de sorte qu’elles puissent servir réellement au bon épanouissement de chacun
souhaitant offrir sa créativité aux besoins de la collectivité.
Dans la vie culturelle : favoriser le libre développement du génie de chacun
Dans la vie Politique : participation égale de chacun
aux décisions règlementant la vie collective
Dans la vie économique : contribution fraternelle aux besoins de la collectivité
dans l’offrande de ses savoir-faire de la part de chacun.
Il apparaît ainsi comment les trois idéaux de la révolution française
qui sont restés ô combien lettre morte
pourraient devenir les trois valeurs animant ces trois domaines de la vie sociale,
en leur donnant leur vrai sens.
Et le premier levier de tout l’ensemble
est celui de l’Idéal de Liberté
Il ne s’agit pas de le décréter comme « le droit de tout se permettre »,
mais avant tout de l’expérimenter en le démarquant de son contraire la non-liberté :
consistant à colporter en l’affirmant comme étant « notre propre opinion »,
ce qui en fait nous a été inculqué en tant que conceptions et injonctions,
-issues des pouvoirs politiques et médiatiques ou de toute autre source-
et que nous n’avons pas repensées par nous-mêmes.
Il s’agit donc de se rendre libres
en observant les choses, les êtres, les situations, les conceptions, notre vie intérieure,
tels qu’ils se manifestent et non comme je les interprète.
Et pour cela : alterner en continu
le processus de perception adonné à ce qui se manifeste,
et le processus de pensée qui récapitule à partir de ces perceptions.
Et ne jamais considérer cette récapitulation comme définitive.
Car les situations évoluent sans cesse, dans les événements de chaque jour,
nous demandant d’être constamment à l’écoute de ce qui veut se montrer dans sa réalité.
L’idéal de Liberté cultivé dans le processus du penser
est le premier levier qui permet de penser le monde,
en cherchant la Vérité de ce qui est, de ce qui a été,
et de ce qu’il faut transformer pour créer l’avenir
et par là-même à parler ensemble
en interaction les uns avec les autres
-en distinguant la triple part du Penser, du Sentir, du Vouloir
et en observant les différentes façons de les associer
sans que l'un des trois ne prenne le pouvoir en oblitérant les deux autres.
-en associant ce que nous portons au plus profond de nous-mêmes,
et qui est unique : avec l'unicité des autres.
-en reconnaissant en quoi les épreuves sont salutaires pour nous améliorer
La culture du lien entre l’individu et le collectif,
entre le Moi individuel et le Moi du Monde
est à la base de la recherche
d’une réelle démocratie sociale
où l’interaction entre Tous et Chacun
soit effective sur tous les plans.
Et c’est dans cette véritable conjonction à lui-même
et à tout l’univers
que l’individu atteint la complétude à laquelle il aspire.
Il est individué et peut donc tenir sa place
pour jouer sa partition,
de la manière la plus harmonieuse possible,
dans la grande symphonie de la vie.
Libre de penser ce qui est, ce qui a été et ce qui doit venir
Egal dans son droit
à une digne existence sociale parmi les autres,
Fraternel dans le don de soi
pour contribuer aux besoins de tous.
Rechercher la participation de chacun
pour réinventer l'Avenir du Monde
c'est vouloir faire appel à ce qui s'éveille en nous
lorsque nous nous sentons personnellement concernés
par tout ce qui se passe autour de nous.
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Voici donc le thème pour la prochaine rencontre à L’Atelier du Verbe
qui aura lieu le vendredi 28 mars de 19h à 22h
pendant laquelle je lirai ce texte progressivement
en l’ouvrant à nos commentaires partagés en commun ;
avec l’intermède de l’exercice copié en rouge
pendant lequel ceux qui le souhaitent inventeront des phrases
en les jouant devant nous,
et dont nous commenterons le mode d’expression de ce qu’elles témoignent.
Danièle Léon 06 26 24 90 59 / atelierduverbe@gmail.com
Responsable artistique de l'Atelier du Verbe
Créations et accueil de spectacles, Centre de formation
17 rue Gassendi 75014 Paris M° Denfert-Rochereau ligne4 ou 6/RerB /Gaité ligne13
https://www.theatreatelierduverbe.com/
Programme 1ere séance
en mars 2021
Décrire ce que l’on perçoit de la réalité extérieure
(avec nos organes des sens)
Exprimer ce que l’on ressent à l’intérieur de soi
(relié au cœur et à la respiration)
Déclarer une intention
(en vue d’une action qui mobilisera nos membres)
Communiquer avec les autres pour partager ce que nous
comprenons
(avec notre raison)
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1/ A quoi sert le langage ?
Mettre des mots sur des réalités factuelles, des sensations, des impressions, des intuitions :
Décrire ce que l’on perçoit (avec nos organes des sens)
Exprimer ce que l’on ressent (venant du cœur, activé par le rythme de la respiration)
Déclarer une intention (en vue d’une action)
Communiquer avec les autres pour partager nos pensées issues de ces diverses expériences.
Particularité du langage écrit (avec le style de l’écriture unique pour chacun)
et du langage parlé (avec les intonations toutes particulières de la voix de chacun)
Différences entre une pièce de théâtre lue et une pièce à laquelle on assiste en vrai,
entre une visio-conférence et une rencontre en vrai.
En quoi les technologies jouent un double rôle :
en multipliant les formes de communication, tout en les réduisant à un contenu informatif.
2/ Comment reconnait-on l’authenticité d’une affirmation ?
Objectivité et subjectivité du langage ?
L’objectivité est-elle seulement extérieure à soi ?
D’où vient la subjectivité qui ne serait pas partageable ? peut-elle être surmontée ?
Comment ? Par quelles prises de conscience ?
D’où vient le formatage de nos opinions ?
Comment reconnaître les symptômes des « formatages » dans nos pensées, nos paroles.
En quoi pourrais-je être influencé(e) par un matraquage médiatique plus ou moins insidieux ?
Quelle est l’intention des producteurs de cette information ?
Celle d’empêcher qu’elle soit remise en question ?
Prendre le pouvoir en « endormant » les auditeurs de sorte
que ce public ne fera ensuite que répéter ce qu’il a entendu ?
Comment se rendre compte soi-même de cet emprisonnement ?
Faire une liste de pensées formatées.
En s’inspirant pour commencer de celles que nous venons de subir.
exemple : « complotistes », une expression qui voudrait stigmatiser le camp adverse
et qui pourrait tout aussi bien s’appliquer à celui qui accuse.
autre exemple : « distanciation sociale » pour dénommer « distanciation physique »
Que valent les chiffres des statistiques qui est devenu un langage en soi ?
Avec quels critères estimer pour soi-même et pour celui que nous écoutons
la validité, l’authenticité d’un jugement, d’une opinion, d’un ressenti ?
Pour exprimer quelque chose « venant du fond de notre cœur » :
prendre le temps de se plonger dans toute la panoplie de nos expériences pas encore verbalisées
pour les ajuster à des formes d’expression qui s’inventent au fur et à mesure de cette recherche.
Alors les mots qui sortent sont vécus comme « sortant du cœur ».
Et c’est ainsi que nous avons besoin d’entendre un comédien pour croire à ce qu’il dit
même s’il en est à sa cinquantième représentation.
Les noms sont-ils de simples étiquettes ou bien expriment-ils par eux-mêmes
dans leurs sonorités, et donc par la façon dont ils sont prononcés,
la nature de ce qu’ils désignent ?
Dire son nom trop vite, nous écarte de la nature de la chose.
3/ Que faut-il pour que ma parole puisse toucher mon interlocuteur ?
Que je tienne compte de ses préoccupations, de ce qu’il a envie de savoir
Que je le regarde dans les yeux pendant que je lui parle
Que je ressente moi-même ce dont je parle, pour qu’il puisse le ressentir à son tour
Pour cela il me faut ressentir les sonorités des mots que j’emploie pendant que je les prononce
4/ Les expressions du génie de la langue
Se rendre compte de leur profondeur et vivre les images qui y sont contenues
5/ Est-ce que les animaux ont un langage ?
On peut voir ce qu’ils sentent ou ce qu’ils veulent dans leurs expressions corporelles :
Remuer la queue, les oreilles, lever la patte, émettre des sons longs ou saccadés
6/ Quelle est la différence avec notre langage ?
Il n’y a pas de mots, de phrases
Ils n’expriment pas ce qu’ils pensent mais ce qu’ils sentent
7/ Est-ce que nous aussi nous nous exprimons avec le corps ?
Avec les mains, les bras, les expressions du visage
8/ Qu’est-ce qui pourrait s’ajouter à ces sortes d’expressions par le corps ?
Tout est possible avec ce que montrent la danse, la gymnastique, l’art des clowns.
9/ Le corps est donc lui-même un « acteur du langage » ?
C’est ce qu’il s’agit justement de découvrir plus consciemment aujourd’hui
Réanimer la vie dans la parole veut dire la faire descendre dans le corps entier
10/ La faire descendre car sinon elle reste enfermée en haut ?
Oui, enfermée dans la tête si l’on ne fait que donner une pensée abstraite
Mais elle peut aussi être « enfermée » dans le cœur si l’on ne fait que s’épancher
Et elle peut aussi être enfermée « en bas » dans l’expression d’un désir violent
11/ Il faudrait donc la faire voyager entre les trois pour qu’elle soit vivante ?
Oui, être attentif à ce qui va en haut, en bas et au milieu, pendant que l’on s’exprime
Et modeler la façon de s’exprimer en fonction de la réceptivité de mon interlocuteur
12/ Accompagner la parole par une gestuelle pour déceler les intentions ?
Une forme d’expression du langage par le corps a justement été inventée pour cela
Il s’agit de l’eurythmie qui traduit chaque sonorité des voyelles et des consonnes
en des gestes qui nous font vivre visuellement ce que les sons expriment.
Cela s’applique aussi au langage musical où le corps tout entier devient son interprète.
Le Verbe dans tous ses états
Au théâtre, dans la danse, la peinture et la sculpture
« Sur la table du théâtre, le langage prend corps.
Nous y voyons les forces de la parole agir l’espace
comme si elles étaient les forces-même de la nature.
Nous observons sur scène le verbe faire apparaître les choses » Valère Novarina
« Car le mot, qu’on le sache, c’est un être » Victor Hugo
De la réalité des mots
La qualité de la parole sur les scènes de théâtre ne fait généralement pas partie des critères mis en avant pour juger de la valeur d’un spectacle. Et cette insensibilité au sujet de la façon de dire, de prononcer les mots, de moduler les phrases concerne tout autant les propos de la vie courante, ainsi que les discours qui nous sont infligés par les normes d’élocution des journaux télévisés. Le langage est implicitement considéré comme simple donneur d’informations ne s’adressant qu’à l’intellect, n’ayant donc pas d’enjeu en soi dans la façon dont il nous touche, ni dans son lien avec les réalités qui sont évoquées.
Le langage ne serait-il qu’un code arbitraire ?
Cette question au sujet de la réalité ou de l’abstraction des mots se relie directement à la controverse des scolastiques au Moyen-âge entre « les nominalistes et les réalistes ». Pour les nominalistes les mots étaient uniquement des conventions,
des constructions mentales sans rapport de nature avec les objets qu’ils désignent. Quant aux réalistes, ils
affirmaient que les concepts, avec les mots qu’ils emploient n’ont rien d’aléatoire, étant en eux-mêmes une émanation du réel. Si l’on a oublié cette controverse et les deux conceptions qui
s’affrontaient, c’est peut-être bien parce que l’une des deux a été si totalement victorieuse qu’elle est devenue l’unique référence. C’est ce que pense Jorge Luis Borges : « La victoire du
nominalisme, jadis invention de quelques-uns, est aujourd’hui si vaste et si fondamentale que son nom est devenu inutile. Personne ne se déclare nominaliste parce que personne n'est autre chose.
"
Si dans la vie courante nous adoptons implicitement cette opinion selon laquelle le langage ne serait qu’un code, nous vivons pourtant maintes situations dans lesquelles nous cherchons des mots aptes à faire comprendre autant qu’à faire éprouver. Et le théâtre a précisément cette mission de nous montrer ce double pouvoir des mots. Mais il n’en fait pas systématiquement la démonstration, loin s’en faut, à cause de la prégnance de cette conception nominaliste implicite, faisant du texte le parent pauvre dans le jeu du comédien, puisqu’il ne serait qu’un signifiant intellectuel surajouté comme un sous-titre.
Si les mots ont en eux-mêmes le pouvoir de faire advenir le réel, le comédien doit donc se faire avant tout source de la parole, se fondre en elle et la projeter hors de lui à travers l’espace scénique, dans tout le registre des sonorités, des articulations, des rythmes, des césures, des intonations, des hauteurs de sons. Il faut que nous puissions observer pendant que la parole se déploie dans ce flux sonore comment le Verbe fait « apparaître les choses », pour reprendre l’expression de Valère Novarina citée en exergue. C’est ainsi que pour sauver le langage de son abstraction nominaliste, le théâtre devrait montrer l’exemple de sa réalité vivante, de son pouvoir de faire advenir le réel.
L’eurythmie
Une danse qui exprime la parole et la musique par les mouvements du corps
L'eurythmie transpose les mouvements imprimés dans l’air par les sonorités en gestes corporels visibles et expressifs. Ces gestes expriment par exemple le caractère sculptural des consonnes et montrent en polarité comment les voyelles résonnent en exprimant des ambiances, des sentiments particuliers. Tous les aspects de la musique, hauteur des sons, rythmes, modes, intervalles, sont également reproduits dans « l’alphabet eurythmique » et chorégraphiés dans des couleurs, des qualités de lumières liées aux ambiances sonores musicales ou au sens des paroles récitées. Cet art nouveau, né au début du 20ème siècle voulait élargir le champ de conscience de notre réception des sons en réunissant l’ouïe, la vue, le sens du mouvement, le sens de l’équilibre, afin de redonner au langage et à la musique toute la vie qu’ils contiennent. Cet art gagnerait à être mieux connu et pratiqué, en notre siècle de l’informatique où le langage a continué de dégénérer, de perdre sa vitalité concrète, sa force de communication.