« À quoi bon des poètes
en ces temps de détresse ? »
(Pain et vin)
Les chants nocturnes
de Hölderlin
Dimanche 1er avril
à 17h
concert
Chant du destin d’Hypérion - Fantaisie du soir -
à Diotima viens et apaise-nous - à la nature -
Diotima âme claire - Diotima l’adieu - à Diotima tu vis de belle vie -
Diotima si de très loin - Moitié de la vie.
Reméloration - Le chanteur aveuglé
Stéphanie Carpentier (chant – violon)
Jean-Frédéric Kirjuhel (chant – guitare)
Mariapina Roberti (guitare – voix)
Apres le concert, nous échangerons autour d'un verre
« L’homme est plein de mérite mais c’est en poète qu’il habite sur cette terre. »
(En ce bleu adorable)
C’est pour aller à la rencontre de cet homme-poète qu’est né le désir de traduire
rythmiquement et mélodiquement en langue française les poèmes brûlants
qui racontent l’histoire de l’amour de Diotima et de Hölderlin,
leur passion de la nature et de la lumière.
Dans ces « Nachtgesänge » (les chants de la nuit), la poésie de Hölderlin et la musique
de Kirjuhel fusionnent dans un « objet poétique » nouveau auquel nos instruments donnent vie pour rappeler qu’on peut s’approcher
du « noyau poétique » qui demeure en nous.
« Le dieu est proche
et difficile à saisir.
Mais où il y a danger
s’accroît aussi ce qui sauve. »
(Patmos)
“Nah ist
Und schwer zu fassen der Gott.
Wo aber Gefahr ist, wächst
Das Rettende auch. »1
Notre groupe est fondé sur le plaisir d’être ensemble, le partage de la musique
et l’envie de s’approcher au plus près de l’oeuvre-vie de Hölderlin.
Nos interprétations veulent explorer le sacré de sa parole, son rythme, son souffle
et la faire circuler. En faire connaître ou reconnaître la beauté,
offrir à tout public une entrée plus aisée portée par la musique.
Faisons le rêve que le monde pourrait en devenir un petit peu plus léger, moins
opaque, plus riche de significations dans cette vive lumière que Hölderlin a chantée,
qui vient du passé et qui est à venir.
« Ce qui demeure cependant
c’est ce que les poètes fondent »
(Remémoration)
1Toutes les citations sont traduites par Kirjuhel
Friedrich HÖLDERLIN
(1770 – 1843)
Éminente la nuit dispense
sa grâce sublime et personne
ne sait ni pourquoi ni comment
quelque chose nous est donné
5 qui va mettre en marche le monde
et l’âme espérante des hommes.
(Pain et vin)
Viens et regardons dans l’ouvert.
10 Aussi loin que cela puisse être
viens chercher ce qui nous est propre.
(Pain et vin)
Nul n’est plus seul
à supporter la vie en soi,
et le bonheur frappe à la porte
et c’est un échange entre tous.
(Pain et vin)
le sommeil me paraît souvent
25 moins lourd que cette vie veillée
à manquer de bons compagnons
à subir la fièvre d’attendre
à ne savoir ce qu’il faut dire
à ne savoir ce qu’il faut faire.
A quoi bon des poètes
en ces temps de détresse ?
(Pain et vin)
La nuit j’entends le sauveur je l’entends qui tue,
le libérateur je l’entends qui donne vie,
le porteur des orages courant de l’orient
au couchant ! Et vers lui vous vibrez, vous,
mes cordes !
((Le chanteur aveuglé)
entendant l’appel de l’heure
réveillés de fierté nouvelle
nous rentrons pareils aux étoiles
dans la nuit brève de la vie.
Diotima
Longtemps fermé à tout et mort
Là nulle force de la terre
aucun destin ne nous sépare ;
là nous sommes l’Un et le Tout ;
Diotima
Longtemps fermé à tout et mort
là enfin je sais que j’existe.
Diotima
Longtemps fermé à tout et mort
Il n’est pas bon d’être privé
d’âme par des pensées mortelles ;
c’est l’échange qui est bon, dire
les intermittences du cœur
Remémoration
Et la mémoire c’est la mer
qui la donne ou bien qui l’enlève ;
60 c’est l’amour qui fixe les yeux
et les attache assidûment.
Mais ce qui demeure cependant
c’est ce que les poètes fondent.
Remémoration
Chaque jour je m’en vais, je sors,
c’est toujours l’autre que je cherche.
Ménon pleurant Diotima
Maintenant pour moi la maison
Est un désert ; ils m’ont volé
Les yeux et je me suis perdu
En la perdant ; je suis perdu !
Perdu ! c’est pourquoi j’erre ainsi,
Comme les ombres
Ménon pleurant Diotima
Un souffle parfait à travers
la forme lumineuse coule
Ménon pleurant Diotima
Viens ! c’était comme un rêve. Alors
les ailes blessées guérissent
15 et les espérances renaissent
toutes. Beaucoup reste à trouver.
Tant et tant de choses encore.
Celui qui a tant aimé doit
poursuivre le chemin des dieux.
Ménon pleurant Diotima
Ô envoyée du ciel ! Comme je t’écoutais !
Je t’écoutais si fort Diotima bien aimée !
Mon regard se tournait de toi vers le jour d’or
Au firmament, scintillant de reconnaissance.
Descend, belle étoile du jour, viens par ici
§ poèmes et citations : traduction Kirjuhel
L’Adieu
Nous voulions nous quitter, croyant cela plus sage
meilleur ? Ce que nous avons fait ! Alors pourquoi
pourquoi l’horreur nous prend d’avoir commis un meurtre ?
Hélas ! nous nous connaissions mal
5 et c’est un dieu qui nous possède.
Le trahir, lui qui nous donna tout en premier
le sens et la vie, génie façonnant notre âme,
gardien de notre amour ? Jamais !
car cela seul m’est impossible.
10 Mais la pensée du monde instille un autre manque
une autre loi d’airain, de bien autres sentences
qui recouvrent jour après jour
d’usure les forces de l’âme.
Je le savais ! La peur informe, enracinée
15 sépare les dieux et les hommes ; et il faut
du sang offert en sacrifice
et que le cœur des amants meure.
Oh ! Laisse-moi me taire !
Ne me laisse jamais plus voir ce qui me tue
20 pour que je puisse au moins
m’enfoncer dans la solitude
et que cet adieu reste nôtre !
Présente moi la coupe ;
que je boive avec toi cette boisson sacrée,
25 ce poison qui soulage
dans les flots du Léthé ! Que tout,
haine et amour, soit oublié !
Je vais partir. Peut-être un jour, beaucoup plus tard
Diotima ! je te vois ! Mais alors le désir
30 est vide de son sang. Paisibles,
en étrangers, en bienheureux,
nous allons côte à côte en un long entretien
pensifs et hésitants dans ce lieu de l’adieu
qui dissout l’ombre des oublis.
35 Il se réchauffe un cœur en nous ;
les enthousiasmes de jeunesse
se rallument dans nos regards ;
libérés, transformés en flammes
nos esprits se fondent dans l’air.
40 Surpris, je te regarde et j’entends la douceur
des paroles passées, les sons lointains d’un luth ;
et puis, de rive en rive, un lys
d’or sur nous exhale son baume.
Diotima
Personne ne comprend ta souffrance, Âme claire
Personne ne comprend ta souffrance, Âme claire ;
tu te tais, au bord du silence, tu te fanes
car hélas ! c’est en vain qu’au milieu des barbares
tu recherches tes sœurs à la lumière vive,
les belles âmes tendres et qui ne sont plus !
cependant le temps presse : mon chant mortel te voit
Diotima égalée aux héros le jour où
ton nom sera cité dans les suites du ciel.
Diotima
Viens et apaise nous le chaos de ce temps
Viens et apaise nous le chaos de ce temps
comme tu fis jadis avec les éléments
Joie des Muses célestes !
Joue-nous cette musique
que la paix instrumente avec les tons du ciel !
Mets de l’ordre aux fracas terribles des combats
pour qu’au sein des mortels les contraires s’unissent
que surgissent sereins dans les remous du temps
le calme et la grandeur de la nature humaine !
Reviens, vive beauté, dans les cœurs misérables !
Arrive aux tables d’hôtes !
Prends ta place en nos temples !
Car Diotima l’hiver comme une frêle fleur
vit riche en son esprit et cherche le soleil.
Mais le soleil des cœurs, le monde le plus beau
la mort les a saisis
et, dans la nuit glaciale
attisant la querelle,
hurlent les ouragans.